One Artist, One Studio | Jad El Khoury, la mémoire dans la pierre

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Il serait difficile de résumer Jad El Khoury à un artiste urbain qui a fait des rues et de l’environnement urbain son atelier et un champ d’expérimentations. L’homme est aussi architecte d’intérieur (il a travaillé avec Nadim Karam au bâtiment Hapsitus Intern à Dubaï), photographe et aussi sportif par obligation…

Né en 1988 à Baabda, capitale du Mont-Liban, Jad El Khoury fait partie de cette génération née pendant la guerre civile libanaise (1975-1991) qui hante toujours les mémoires. La capitale libanaise garde au vif les stigmates du passé. Dans les rues, nombreux sont les immeubles marqués par les traces indélébiles du conflit. Pour les faire disparaître, il faudrait raser et reconstruire. Mais faire disparaître signifierait oublier. C’est à ce paysage que Jad El Khoury travaille comme s’il voulait que les Beyrouthins se réapproprient leur ville, leur histoire. Plutôt que de tenter de cacher ces cicatrices, l’artiste va les enjoliver, les colorer et leur donner vie grâce à ce petit personnage de Potato Nose (dont il adopte l’identité en tant qu’artiste) ou encore à Single Man, un autre avatar qui « vit dans sa bulle et ne veut pas être dérangé par la société ».

 

Single Man, acrylique sur toile, 100 x 100 cm. Courtesy Jad El Khoury

 

Kim, feutre sur papier, 70 x 70 cm. Courtesy Jad El Khoury 

 

Derrière cela, Jad El Khoury rappelle que ces immeubles « troués » sont devenus peu à peu invisibles aux habitants qui ne semblent même plus les voir. En les « rhabillant », Jad veut rappeler que le conflit gronde toujours et que l’équilibre précaire peut à nouveau faire basculer le pays dans le chaos.

 

Atelier de Jad El Khoury à Beyrouth (courtesy Jad El Khoury)

 

Oublier ? Fuir ? Jad a tenté l’expérience d’un ailleurs plus clément, au Koweït. L’essai en tant qu’architecte d’intérieur ne dura qu’une année.
Alors de retour à Beyrouth, l’artiste s’est consacré pleinement au « doodle art » (littéralement l’art du gribouillage) et est parti à l’assaut de la ville. 

 

WAR PEACE, Beyrouth

 

A l’aube quand il fait encore nuit, l’artiste se transforme en ninja et tandis qu’il descend en rappel les barres d’immeubles de Beyrouth portant encore les violentes stigmates de la guerre civile, il « doodle » la pierre de ses personnages Potato Nose et Single Man. Chaque impact de balle ou d’obus devient le terreau propice à la naissance et à la propagation de son univers faussement ludique mais qui met en garde contre le retour d’un chaos possible.

 

WAR PEACE Project, Beyrouth

 

Single Man, Kuwait, Mubarak al Kabeer Street

 

Lauréat 2017 du Arte Laguna Prize (et du Biafarin Honor Award, sous l’égide du Arte Laguna Prize), Jad El Khoury sera en résidence à l’atelier de sérigraphie Fallani à Venise en novembre prochain et s’en suivra également une exposition de l’artiste. En avril 2018, l’Institut Français du Liban lui consacrera une exposition personnelle à l’ambassade française de Beyrouth.  

 

WAR PEACE, Beyrouth

 

Photo crédit : Elie Abou Jaoude 

 

Il s’agit du second volet de notre série « One Artist, One Studio ». Découvrez ici les cinq premiers épisodes.