Au temps des abstraits, Alain de la Bourdonnaye et ses amis à la galerie Bérès

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Décédé en 2016, Alain de la Bourdonnaye laisse un œuvre conséquent mais par trop méconnu.

L’artiste fut tout à la foi, « peintre, graveur, artisan-architecte du livre, typographe, imprimeur et bâtisseur » comme le résume sa veuve, Chantal de la Bourdonnaye. Ses débuts, dans l’immédiat après-guerre sont consacrés à la peinture abstraite, alors en pleine ascension, qui l’occupe jusqu’à la fin des années 1970 avant de se consacrer à la gravure, à la réalisation de livres d’artiste, à la typographie ainsi qu’à la réfection du château d’Ampelle (Gers), travaux acharnés qui participent de son Œuvre. ​​​​​​

 

Composition, 1969-1970, huile sur toile, Courtesy Chantal de la Bourdonnaye et Galerie Bérès, Paris.

 

 

La Bourdonnaye fait son entrée sur la scène artistique parisienne en 1952 en exposant au fameux salon de Mai auquel il participe régulièrement jusqu’en 1964. La décennie 1950 est dévouée à sa formation : en gravure auprès du maître en la matière, Stanley William Hayter dans son Atelier 17 ainsi qu’à la peinture dans l’atelier d’Arpad Szenes, à partir de 1954, avec qui s’établira une relation empreinte de compagnonnage artistique et d’admiration. Arpad Szenes et son épouse Maria Elena Vieira da Silva seront de fidèles amis du couple La Bourdonnaye toute leur vie. En 1957, l’artiste rejoint la célèbre et respectée galerie Pierre où il expose dès l’année suivante; leur collaboration prend fin en 1959. Tout en continuant d’exposer son oeuvre peint à Bruxelles (galerie Régence), il présente également son travail aux Etats-Unis (« New Talents in Europe » à l’University Art Gallery of Alabama en compagnie de Degottex, Bryen, Messagier, ainsi qu’à la Kansas City Public Library City, « 9 Artists working in Paris »). À cette époque, il commence à exposer son travail autour du livre et de la typographie. La Bourdonnaye illustre des écrits de poètes ou d’écrivains avec des papiers découpés et des collages dans lesquels il excelle. En 1982, il décide de se consacrer exclusivement au livre dont il conçoit tout le processus jusqu’à sa réalisation. Ouvrages d’art en éditions uniques ou limitées, il illustre des poèmes, des psaumes, traduits du latin parfois, des écrits d’auteurs romantiques, surréalistes et contemporains. Véritable virtuose dans ce domaine, il révolutionne le livre d’artiste et la Bibliothèque nationale lui consacre une exposition personnelle en 1989.

 

Galerie de Portraits, 1974, bois en couleurs, 36 x 25,5 cm. Courtesy Chantal de la Bourdonnaye et Galerie Bérès, Paris.

 

 

Courtesy Chantal de la Bourdonnaye et Galerie Bérès, Paris.

 

Le libraire Pierre Bérès inclut son travail de typographe et d’artisan du livre dans ses participations aux salons et dans ses expositions à la galerie.

 

À l’occasion de la publication l’an dernier du dernier des trois tomes du catalogue raisonné de l’artiste aux éditions Jannink, établi sous la direction de sa veuve, accompagné d’un texte de Juliette Laffon, la galerie Bérès spécialisée dans l’art du XXe siècle et ses avants-garde rend hommage à l’artiste avec une exposition rétrospective qui se tient dans ses deux galeries parisiennes de la rive gauche. Anne-Isabelle Bérès, à la tête de la galerie, succède ainsi à son père, l’illustre libraire et éditeur Pierre Bérès, qui dans la fin des années 1950 avait défendu le travail du livre de l’artiste.

 

Courtesy Chantal de la Bourdonnaye et Galerie Bérès, Paris.

 

Aux côtés de l’artiste, les peintres-amis Martin Barré (1924-1993), Sergio de Castro (1922-1992), Serge Charchoune (1888-1975), Olivier Debré (1920-1999), Georges Mathieu (1921-2012), Jean-Paul Riopelle (1923-2002), Nicolas de Staël (1914-1955), Arpad Szenes (1897-1985), Raoul Ubac (1910-1985), Maria Elena Vieira da Silva (1908-1992), Zao Wou Ki (1921-2013) et le sculpteur Etienne Hajdu (1907-1996).

 

Les œuvres de la Bourdonnaye exposées sur les cimaises s’échelonnent entre 1953 et 1970. La grande majorité d’entre elles sont des peintures mais le visiteur découvre également ses « Plombs », des bas-reliefs martelés en plomb qui l’occupent durant la seconde moitié des années 1960 ; l’ouvrage Galerie de Portraits, un album de 16 bois en couleurs conçu en 1974 ainsi que le livre illustré Astralis.

 

« Au temps des abstraits, Alain de la Bourdonnaye et ses amis à la galerie Bérès. » Une exposition à voir absolument pour (re)découvrir l’oeuvre riche et poétique d’Alain de La Bourdonnaye.

 

Image de couverture: Moulin en Hollande, 1957, huile sur toile, 73 x 100 cm. Courtesy Chantal de la Bourdonnaye et Galerie Bérès, Paris.

 

Clotilde Scordia